On sait qui était derrière Stuxnet, le mystérieux ver qui a agité la Toile voici deux ans. D’après les informations de David E. Sanger, journaliste au New York Times, ce sont bien les Etats-Unis et Israël qui ont mis conjointement au point le logiciel. Problème : leur création leur a échappé !
Dans les colonnes du quotidien américain, le journaliste détaille l’histoire passionnante qui a précédé la création de Stuxnet. Digne des meilleurs films d’espionnage, l’article raconte comment l’administration Bush a, à partir de 2006, tenté de freiner l’évolution du programme nucléaire iranien. Décrédibilisé suite à ses mensonges sur les ambitions nucléaires de Saddam Hussein, Bush pouvait difficilement s’en prendre publiquement à l’Iran pour les mêmes raisons. Alors, afin de tenter de freiner secrètement les progrès iraniens, la CIA et le général James Cartwright, spécialiste de la cyberguerre, proposent une « idée radicalement nouvelle » au président : développer une cyberarme extrêmement sophistiquée pour s’attaquer aux ordinateurs qui contrôlent la centrale de Natanz. Nom de code de l’opération, « Olympic Games ».
Un virus conçu par la NSA et l’unité 8200
Peu convaincu, Bush accepte cependant le plan en deux phases : d’abord, il s’agit de faire rentrer une « balise » dans les ordinateurs de la centrale. Ce code a pour mission de comprendre le fonctionnement exact du système de commande de Natanz. Après plusieurs mois d’analyse, les Américains en savent assez pour passer à la phase deux : mettre au point un virus extrêmement sophistiqué, capable de pourrir Natanz.
La mission sera confiée à la NSA et à « l’unité 8200 », un groupe secret de l’armée israélienne dont les compétences techniques « rivalisent avec celles de la NSA » selon le journaliste. Qui précise que les Américains « avaient un autre intérêt [de travailler avec les israéliens] : les dissuader d’entreprendre leurs propres attaques préventives contre les installations nucléaires iraniennes. »
Stuxnet, qui s’appelait en interne The Bug a d’abord été testé… aux Etats-Unis, où l’on a construit en secret une « réplique virtuelle » de la centrale iranienne. Le pays disposait en effet de centrifugeuses similaires à celles de Natanz : du matériel légué par le colonel Khadafi lors de l’abandon du programme nucléaire lybien en 2003.
Les tests, particulièrement réussis – le ver parvient à détraquer complètement la vitesse de rotation des centrifugeuses – convainquent l’administration Bush de lancer l’opération sur l’usine iranienne. M. Sanger n’est pas très précis – on le comprend – sur ce point, puisque l’opération a clairement nécessité la présence d’infiltrés dans la centrale, afin d’inoculer le virus.
Toujours est-il que The Bug va fonctionner à la perfection, en détraquant nombre de centrifugeuses dans l’usine d’enrichissement. A tel point qu’il va laisser les responsables de la centrale iranienne perplexes. Les Etats-Unis ont mené ainsi de nombreuses attaques grâce à The Bug sans que les ingénieurs iraniens ne se doutent du véritable problème.
L’apparition de Stuxnet
Oui mais voilà, un bug dans The Bug va presque faire capoter l’opération « Olympic Games » : Stuxnet. « Une erreur dans le code a mené à copier le code dans l’ordinateur d’un ingénieur alors qu’il était connecté aux centrifugeuses. Quand l’ingénieur a quitté Natanz et a connecté son ordinateur à Internet, le bug […] n’est pas parvenu à comprendre que son environnement avait changé. Il a commencé à se répliquer autour du monde. Tout à coup, le code a été exposé », raconte le journaliste.
Pendant que nous nous interrogions sur ce drôle de code, une certaine panique a gagné la Maison Blanche et le renseignement américain. Barack Obama, inquiet de voir le code faire potentiellement des dommages dans la nature aurait demandé « s’il fallait éteindre cette chose » à ses équipes chargées de la sécurité nationale. D’après M. Sanger, malgré la publication de Stuxnet, les Etats-Unis ont décidé de poursuivre leur programme : « Dès la semaine suivante, une nouvelle version du bug a fait tomber quasiment 1 000 centrifugeuses », écrit-il.
Une question demeure : Flame, la cyberarme qui a défrayé la chronique voici quelques jours, fait-elle partie du même programme Olympic Games ? A cela, les officiels américains interviewés par M. Sanger ont refusé de répondre…